Bienvenue

Un blog pour éviter d'oublier le texte.
Des réflexions désordonnées, isolées, intempestives.
À chaque fois, une incursion hasardeuse pour ouvrir le livre autrement.

mardi 21 mai 2013

Médée : exil infini

"Une main tendue, pensais-je, pourquoi devraient-ils la rejeter. Aujourd'hui je sais pourquoi. Parce que seule la rage contre autrui leur permet d'atténuer leur peur."
- C. Wolf, Médée, Voix

Christa Wolf peut avoir son idée sur la mort des enfants de Médée. Elle peut réécrire le mythe au bénéfice du personnage. Mais si malgré tout on a envie d'aimer Médée, c'est qu'à travers ses avatars tragiques un thème demeure inchangé, universel, infiniment actuel, et nous interpelle là où notre humanité n'a pas fini de nous surprendre : notre profonde sollicitude face à l'exil. Exil de l'autre qui pourrait bien être le nôtre, parce qu'il nous crie au visage et que nous restons cois :

vendredi 10 mai 2013

Anarésume

Belle découverte : Anarésume | Mordue de livres.

Je faisais une recherche sur Médée, dont je suis en train de lire ce qu'en a vu Christa Wolf, après Euripide, Sénèque et Corneille.

lundi 20 février 2012

Aimez-vous lire ? Tristan et Yseult

Je ne peux manquer l'occasion de brancher cet excellent blog. Le prétexte : un conte à la fois exquis et sensible.

Aimez-vous lire ?: Tristan et Yseult (version Joseph Bédier)

mardi 24 janvier 2012

Frankenstein : Perception trouble et ambivalence des sens

Mary Shelley avait 18 ans lorsqu'elle écrivit Frankenstein ou le Prométhée moderne. Ce jeune âge est tout à son honneur car, sans l'annoncer, elle explora un point de vue inédit, qui aujourd'hui passerait peut-être pour une banalité, sur l'ambivalence des perceptions et l'indécision du jugement. On verra ces tares affecter aussi bien Frankenstein que le monstre qu'il a créé, notamment dans les premiers instants de son existence.

«  Ses membres étaient proportionnés entre eux, et j’avais choisi ses traits pour leur beauté. Pour leur beauté ! Grand Dieu ! Sa peau jaune couvrait à peine le tissu des muscles et des artères ; ses cheveux étaient d’un noir brillant, et abondants ; ses dents d’une blancheur de nacre ; mais ces merveilles ne produisaient qu’un contraste plus horrible avec les yeux transparents, qui semblaient presque de la même couleur que les orbites d’un blanc terne qui les encadraient, que son teint parcheminé et ses lèvres droites et noires. »

vendredi 9 septembre 2011

Liberté et assujettissement chez Cervantès

« La liberté, Sancho, est un des dons les plus précieux que le ciel ait faits aux hommes. Rien ne l’égale, ni les trésors que la terre enferme en son sein, ni ceux que la mer recèle en ses abîmes. Pour la liberté, aussi bien que pour l’honneur, on peut et l’on doit aventurer la vie ; au contraire, l’esclavage est le plus grand mal qui puisse atteindre les hommes. Je te dis cela, Sancho, parce que tu as bien vu l’abondance et les délices dont nous jouissions dans ce château que nous venons de quitter.

vendredi 25 février 2011

Ερος et Παθοσ chez Tristan et Iseut

La reconstruction du roman de Tristan et Iseut par Joseph Bédier a cette particularité de bien faire ressortir les aléas de cet amour maladif dont les amants sont victimes depuis l'absorption du célèbre philtre.
Ce philtre qui (on pourrait en parler) est à mon sens une stratégie scénographique pour introduire l'irrémédiable passion qui, bien après ses premiers effets et même avant son absorption, s'empare des amants et les dévoile chacun comme corps désirant :

mercredi 9 février 2011

Anna Karénine : la beauté hors de la forme

Je termine Anna Karénine avec en tête un thème que la rencontre Vronski-Anna a suscité chez moi et qui me poursuit toujours : une esthétique qui situe la beauté non dans la forme, mais dans les interstices.
Je ne parle toutefois pas de ce précepte dont on nous a cent fois crié la vertu : "... l'essentiel est invisible pour les yeux ...". Je parle plutôt d'une manière originale d'approcher l'objet en en respectant la facette la moins évidente : c'est l'agencement, les relations, les espaces entre qui définissent l'objet esthétique. L'évidence, comme ce qui se place devant le regard, n'est plus un critère.

lundi 20 décembre 2010

Eugénie Grandet et la sublimation de l'avarice chez Balzac

Eugénie n'hérite pas seulement d'une fortune colossale (jalousement chérie et séquestrée jusqu'alors) à la mort du bonhomme Grandet, mais encore du rapport -- le seul qu'elle puisse envisager -- au bien matériel.
L'avarice de feu son père la guette donc à la moindre décision. Son ingénuité sera pourtant autant sa planche de salut que la raison de son innocence : elle gèrera ses biens comme Grandet, mais orientera l'avarice vers ses penchants naturels, qui sont moins la jouissance tranquille que l'épenchement sur le malheur d'autrui.

Cette sublimation de l'avarice, assez ingénieuse dans sa forme et son ton, amène Balzac à "canoniser" son héroïne tout en réhabilitant l'usage exclusif de la richesse.

Pour lire un bon résumé : ici.

mercredi 8 décembre 2010

Hermann Hesse : vers une esthétique proustienne

Hermann Hesse a-t-il lu Proust ? Un passage de Demian le laisse croire. Alors que Pistorius et Émile s'abandonnent à la contemplation du feu animant le foyer, celui-ci, dévoilant en lui-même la multiplicité des formes qui s'offrent à sa vue, fait l'observation suivante :

« Nous voyons s'effacer et disparaître les limites qui nous séparent de la nature, et nous parvenons alors à l'état dans lequel nous ne savons plus si les images imprimées sur notre rétine proviennent d'impressions extérieurs ou intérieures. C'est alors que nous découvrons (...) combien nous sommes créateurs (...) »

Chez Proust, aucune impression sensible n'existe en et par elle-même, mais seulement par et pour moi. C'est cette propriété de l'impression qui seule autorise et accomplit le sens esthétique (notamment artistique).

jeudi 18 novembre 2010

Tolstoï - Résurrection : le renversement de l'aliénation religieuse ?

Le repentir du héros de Résurrection, à l'occasion de la condamnation et de l'internement de Catherine, initie un processus de "désaliénation" religieuse.
L'éveil de Nekhlioudov passe par une reprise du sentiment religieux qui se place hors de la perspective chrétienne traditionnelle de la transcendance : alors que le Dieu des chrétiens est inaccessible, hors de soi, celui du héros surgit à l'intérieur de lui-même.

mercredi 3 novembre 2010

Balzac et le malheur féminin

La maison du chat qui pelote, de Balzac, raconte l'histoire d'une jeune femme que l'innocence et l'idéal de vertu semblent avoir précipitée dans le malheur. À vouloir préserver la pureté de son lien conjugal, malgré les frasques de Théodore, Augustine devient victime de sa propre impuissance à contrôler sa rancoeur. Et dès qu'une duchesse qu'elle croyait sa rivale lui aura fourni l'occasion de reprendre l'initiative sur son ignoble époux, elle se verra succomber devant une réaction aussi colérique qu'imprévue. Le désarroi aura raison d'elle.

Ajout :

Allez lire le blog de Catherine sur ce texte.

dimanche 3 octobre 2010

Proust et le Temps Retrouvé : à la recherche des mots pour le dire...

Au moment d'arriver à l'hôtel Guermantes, le héros proustien fait une découverte aussi ineffable que saisissante : la sensation du pavage irrégulier sous ses pieds provoque chez lui une  félicité singulière. Une impression traversant le "temps" refait présence, impression ressentie d'abord à Venise lors de la visite du baptistère de Saint-Marc, à l'occasion de laquelle le héros avait perçu l'inégalité de deux dalles sous ses pieds.